• Raphaël Maman

  • Erik Verhagen
  • 2022

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que dans sa critique formulée contre le minimalisme l’historien de l’art Michael Fried avait reproché à cette tendance de traduire une forme de théâtralité: « La sensibilité littéraliste est théâtrale, tout d’abord parce qu’elle s’attache aux circonstances réelles de la rencontre entre l’œuvre littéraliste et le spectateur » (« Art et objectité », 1967). Loin de chercher à le contourner et encore moins à le combattre, Raphael Maman fait de ce postulat la base à partir de laquelle il a échafaudé une œuvre au statut précaire et hybride perméable aux normes qui caractérisent les codes architecturaux et scéniques. Il s’agit pour l’artiste de planter – nous reprenons le titre d’une de ses installations - un décor fictif, en attente d’une improbable utilisation, comme suspendu dans le temps et l’action. Figé et désamorcé. A l’image de ce Praticable (2020) dont la particularité est justement, compte tenu de la fragilité des matériaux, de ne pas pouvoir être pratiqué, rendant ce dispositif scénique orphelin et réduit à une pure visibilité contraire à ses identité et fonction. A sa raison d’être. Les œuvres de Maman sont composées d’objets rétifs, comme abandonnés et arrachés à leur contexte initial et normé. Un contexte marqué par une certaine idée de rendement et d’efficacité. Et si les objets en question nous donnent la trompeuse impression de vouloir à nouveau s’y plier, ils le font au prix de réajustements voire de dérèglements distillant une atmosphère de malaise et de flottement qui fait la force de ce travail.
Erik Verhagen