• Mais pour me parcourir enlève tes souliers

  • 2022
  • Beaux-Arts de Paris, exposition collective

Mais pour me parcourir enlève tes souliers(1) engage une réflexion critique sur la conception spatialiste qui considère les formes architecturales comme déterminantes de l’organisation des pratiques sociales. Investis d’une fonction opérationnelle et normative capable d’assurer la régulation quasi-naturelle des comportements humains, les dispositifs architecturaux constitueraient « des formes d’organisation de l’espace, porteuses intrinsèquement de bonnes pratiques sociales »(2).

Cette conception spatiale trouve son expression paroxystique dans des institutions comme l’école, l’hôpital ou la prison, où il s’agit d’éviter tout mouvement de foule ou de confusion, tout en « élevant » les âmes et les esprits. Ainsi, dans l’univers carcéral, une logique séparative et cellulaire s’impose, supposément investie de qualités propres, aptes à punir, neutraliser, dissuader, guérir les individus pour mieux les réinsérer dans la société ensuite. Leur peine est comme spatialisée, les dispositifs architecturaux sans cesse réévalués pour contraindre leurs corps et limiter leurs possibles échanges.

Cette logique de distribution spatiale autoritaire, qui vise à attribuer à chaque fonction et à chaque individu sa juste place, dépasse parfois les murs de la prison: on la retrouve aussi dans la multiplication d’espaces d’activités bien délimités, comme dans le zonage qui caractérise nos paysages urbains. Tous impliquent un surinvestissement des agencements spatiaux qui contraignent nos interactions sociales, et conduisent à une certaine dépersonnalisation.

L'exposition réunit des œuvres qui sont comme autant de techniques de détournements pour sortir de ces conceptions spatiales parfois autoritaires. Face à des espaces figés, il s’agit d’explorer des espaces mouvants, adaptables, ou même vivants. Au sein de cette exposition, les artistes conçoivent l’écriture de l’espace comme une partition, sans cesse à réinterpréter.

1/ Titre emprunté à Jean Genet dans son poème La Parade, 1948.
2/ Levy J., Lussault M. (2003), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris.

Sur une idée de Violette Morisseau, commissaire associée à la filière, avec l’aide de Zoé Bernardi et Amandine Massé, étudiantes de la filière Artistes & Métiers de l'exposition.

Avec les artistes: Pauline-Rose Dumas, Jules Goliath, Liên Hoàng-Xuân, Bahar Kocabey, Raphaël Maman, Amandine Massé, Eadweard Muybridge, Nefeli Papadimouli, Giambattista Piranesi, Julie Ramage, Fabrice Vannier, Chloé Vanderstraeten.

Scénographie imaginée avec Marine Henninot et Mathilde Josse, étudiantes de l’ENSA Paris-Malaquais.